PARIS
La capitale n’a plus la cote

Paris la nuit. Vue sur les quais de Seine et la tour Eiffel.

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Chaque année la capitale perd des habitants. Quelles sont les causes de cette désertion ? Le Covid-19, le prix du m2, les surfaces mal adaptées aux familles, l’insécurité, ou à la saleté et la politique du « No voitures » de la maire de Paris ?

Au 1er janvier 2021, les Parisiens étaient 2 175 601, selon l’Insee. Ce chiffre se base sur la référence statistique du 1er janvier 2018 (Aucun d’élément consolidé plus récent). Ainsi, entre 2013 et 2018, Paris, la capitale n’a plus la cote. Sa population diminue en moyenne de 10 800 habitants, soit -0,5% chaque année, alors qu’elle augmentait de 14 000 individus par an entre 2006 et 2011.

PARIS – ÉVOLUTION DE LA POPULATION DE 1968 à 2018

GRAPH - PARIS - ÉVOLUTION DE LA POPULATION DE 1968 à 2018

© Anne-Marie HALBARDIER – Source : INSEE, Recensement de la population.

En 2019, selon une étude du réseau immobilier Barnes, Paris a été classé à la première place des villes les plus attractives au monde. Aujourd’hui, aux yeux des grandes fortunes, elle a chuté à la septième place.

Les cinq villes (New York, Londres, Tokyo, Hong Kong et Los Angeles) qui, depuis des années, occupaient les premières places ne figurent plus dans le top 5. Seul Tokyo sauve sa place et se retrouve troisième.

Actuellement, ces familles recherchent en priorité : une meilleure qualité de vie, un environnement sain et de la sécurité. Le nouveau classement est : Zurich +29 places, Copenhague +33, Miami +23, et Stockholm +17 séduisent les plus fortunés.

La ville lumière moins attractive

L’emballement du prix du m2 à Paris favorise la loi de l’offre et de la demande sur le marché de l’immobilier. La pénurie de logements neufs et la crise sanitaire qui touche l’ensemble de la planète depuis deux ans contribuent aussi à vider la capitale de ses habitants.

Parce que, les franciliens sont à la recherche de plus d’espace pour vivre, les villes moyennes les attirent de plus en plus. Le télétravail accélère aussi le processus.

Malheureusement, les problèmes sont multiples… Selon Valérie Pécresse* : « Depuis cinq ans la capitale perd 12 500 habitants par an ». Pourquoi ? Le fait qu’elle soit « trop chère, source d’insécurité, de saleté », mais aussi « contre la voiture ». Il n’est donc pas surprenant à ses yeux que « les familles rêvent de quitter Paris ».

Immobilier moins abordable, trop cher à l’achat

Quelles sont les explications de la désertification de la ville lumière. Premièrement, le prix de l’immobilier à Paris qui s’emballe. Entre 2010 et 2020, il a augmenté de +50%. Il a franchi la barre symbolique des 10 000€ au m2 avec un prix moyen de 10 650€ au 2e trimestre 2021.

Les grandes superficies dans la ville lumière n’ont plus la cote, les acheteurs se font rares. Les acquéreurs étrangers qui représentaient une grande partie de cette clientèle… brillent par leur absence.

Par conséquent, entre mars 2020 et le 1er septembre 2021, les logements de +80m2 ont vu leurs prix baissés de 1,6%.

Par exemple, pour un même budget (+ 1 million d’euros) les familles avec enfants en bas âge privilégient maintenant une maison en banlieue ou en province. Elles peuvent s’installer dans des biens aux surfaces deux à trois fois plus grandes et offrant des extérieurs.

Selon un directeur d’agence immobilière : « Avant le Covid, les appartements de + de 100 m2 se vendaient en 15 jours et dans 40% des cas au prix du marché. Mais depuis le premier semestre 2020, dans 25% des cas, les acheteurs font des contre-propositions afin de faire baisser les prix de 3 à 4% ».

En revanche, les T1 et T2 se vendent toujours aussi rapidement et leurs prix ont augmenté de +0,2%.

PARIS – PRIX AU M2 DES APPARTEMENTS DANS L’ANCIEN

CARTE de Paris Prix du m2 dans l'ancien.

Paris, arrondissement par arrondissement, prix aux m2 avec l’évolution sur 1 an.

© Anne-Marie HALBARDIER – Source : SeLoger.com – Mars 2021

Trop cher à la location ?

Depuis la fin du confinement, locataires et acheteurs sont d’accord, les prix sont trop élevés dans la capitale. Les recherches de location y ont chuté de 23% en 1 an.

En revanche, à la même période, sur d’autres villes, elles ont grandement augmenté :

  • Nice +40%
  • Bordeaux +36%
  • Marseille +29%
  • Toulouse +21%
  • Nantes et Mulhouse +12%
  • Rennes +10%
  • Lyons et Strasbourg +6%

Les appartements disponibles en location longue durée représentent désormais 64% dans la ville lumière.

Logements mal adaptés à Paris

Deuxièmement, la question du logement dans la capitale reste très complexe. Paris doit faire face à un gros souci de structuration des logements. En d’autres termes, on n’y trouve que très peu de logement de taille moyenne. Donc, les surfaces proposées sont peu adaptées aux familles. De plus, les surfaces sur le marché ne correspondent pas la demande d’un couple avec un enfant. Elles sont, soit trop petites soit trop grandes.

Les familles n’ont plus le choix… un déménagent en petite ou grande couronne devient inévitable. Pour les salariés pouvant faire du télétravail, l’éloignement en province constitue une solution. D’ailleurs, ils optent pour une meilleure qualité de vie et de logement de superficie plus grande.

Encadrement des loyers et tourisme

L’encadrement des loyers, incite certains propriétaires à ôter leur bien du marché de la location classique. Ils préfèrent privilégier la rentabilité avec la location saisonnière. Donc, ils passent par des plateformes comme : Airbnb, Abritel HomeAway, Booking.com… Alors, dans les zones tendues et souvent touristiques, les biens à la location manquent cruellement.

Et des écoles ferment

C’est l’une des conséquences dans les arrondissements où le prix au m2 est très élevé. Le prix de l’immobilier au cœur de la capitale impacte la vie de quartier. En d’autres termes, les familles ne pouvant plus se loger, déménagent en banlieue ou s’éloignent de l’Île-de-France.

Avec une baisse de la natalité depuis 5 ou 6 ans en France, la ville lumière a perdu 54 000 habitants sur cette période. Et en deux ans, Paris a perdu 10 972 élèves par rapport à la rentrée de 2019. Ce chiffre concerne les enfants scolarisés en classe maternelle et élémentaires.

Pourquoi? Parce qu’à la naissance d’un premier enfant ou du deuxième un besoin émerge : la nécessité d’une pièce supplémentaire pour vivre.

Selon des données du ministère de l’Éducation Nationale, les effectifs, dans les établissements publics et privés sous contrat, ont chuté de -4,49%. Cela représente 148 138 élèves de moins pour la rentrée de septembre 2021.

PARIS – NOMBRE D’ÉLÈVES EN MATERNELLE ET ÉLÉMENTAIRE

CARTE CHIFFRES ET % DU NOMBRE D'ELEVES A PARIS

En 2021, nombre des élèves*, par arrondissement, en maternelle et élémentaire dans le public et le privé sous contrat. – *Estimation

© Anne-Marie HALBARDIER – Source : ministère de l’Éducation nationale – Octobre 2021

Depuis deux ans à Paris, le nombre d’élèves chute à chaque rentrée scolaire. En 2019 on comptait 159 100 contre 155 096 en 2020, soit -2,5%.

Selon Patrick Bloche** : « À la rentrée 2021, on a constaté une baisse de 6 000 élèves dans les écoles élémentaires publiques contre 3 700, en 2020 ». Par conséquent, le nombres des élèves diminue et cela entraine la fermeture de classes dans certaines écoles de la capitale.

Insécurité et saleté

Les familles désertent aussi Paris parce que certains quartiers populaires, comme le Nord de la capitale, sont gangrénés par le trafic de drogues. L’insécurité prédomine et les résidents ne supportent plus les agressions, les vols et la dégradation du quartier.

Le problème des camps de migrants dans le Nord de la capitale demeure un sujet très ardu. Le gouvernement et la mairie de Paris semblent dans une impasse. Ces hommes, femmes et enfants sont ballotés d’un point à un autre au gré du mécontentement et du ras-le-bol des résidents des quartiers concernés.

La propreté à Paris reste problème qui, depuis 2011, ne semble toujours pas réglé. Malgré un budget alloué de 550 millions euros par Anne Hidalgo au service d’entretien de la ville, les rues de capitale restent sales.

Politique de la ville

Piétonisation de la capitale. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a pour politique depuis plusieurs années de vouloir répartir au mieux l’espace public en reconquérant les espaces dédiés à la voiture. En d’autres termes, avec son adjoint aux Transports David Belliard, ils souhaitent favoriser les transports en communs et les pistes cyclables au détriment des voitures.

En parallèle, un projet de piétonisation du cœur de la ville est mis en place. Celui-ci a pour but de désengorger la capitale en créant des zones interdites à la circulation.

Il devient alors quasiment impossible de circuler en voiture dans Paris. Les conséquences : embouteillages à répétitions dans toute la capitale et sur le périphérique.

Les régions qui attirent…

Selon SeLoger.com : « Dans Paris intra-muros, on constate une hausse de +89% de mise en vente de biens sur le marché ».

En comparaison de la région parisienne qui attire moins de monde, soit 19% en février 2021 (23% un an avant) d’intention d’achat, le Grand Ouest et la région Est tirent leur épingle du jeu.

Carte de France, zones GRAND-OUEST et GRAND-EST

Carte de France GRAND-OUEST et GRAND-EST

© Anne-Marie HALBARDIER

Ces deux régions ont attiré +23% d’acheteurs en 2021 contre +19% en 2020. Cependant, en région Est, les biens sont plus rares, les acheteurs doivent donc être plus réactifs dans leurs recherches.

En conclusion. Actuellement beaucoup de questions sont encore sans réponse. Sommes-nous à l’aube d’une migration majeure des franciliens vers les villes moyennes et les zones plus rurales ? Le déménagement d’un certain nombre d’entreprise hors de l’Ile-de-France va-t-il perdurer ? Sur le long terme, le télétravail fera-t-il partie de notre nouveau mode de vie ? Paris et sa banlieue vont-ils perdre leur statut de pôle économique pour la France ?

Seul l’après Covid-19 et la reprise économique de la France trouveront réponses à toutes ses interrogations.

*Présidente de la région Île-de-France.

**L’adjoint au maire de Paris en charge du scolaire.

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