Le dispositif d’encadrement des loyers du parc privé à Paris a déjà été mis en place entre 2015 et 2017, puis suspendu. Mais, en 2019, le prix des loyers flambe et la mairie de Paris demande à l’État l’autorisation de restaurer ce dispositif. Alors, quels en sont les résultats aujourd’hui sur les loyers parisiens ?
L’encadrement des loyers, pour une ville, est un outil indispensable parce que celui-ci lui permet de mener à bien une politique d’accès au logement abordable pour tous. Surtout, en zone tendue, les prix des loyers sont plafonnés selon des critères bien précis. Par conséquent, si vous regardez les conclusions de cette étude commandée par la Ville de Paris et réalisée en 2022-2023, le résultat en est positif. Ainsi, avec l’encadrement des loyers parisiens, la hausse des prix a été limitée à 4,2% par rapport à une situation sans encadrement.
Finalement, les résultats de cette enquête ont été présentés le 23 avril dernier par l’Apur (1) à Jacques Baudrier* ainsi qu’à Barbara Gomes** et à divers chercheurs.
Qui a effectué cette étude sur l’application de loi concernant l’encadrement des loyers à Paris ? Elle a été réalisée par une équipe de chercheurs en économie de l’association d’établissements d’enseignement supérieur européens Cesaer. Tandis que les données proviennent de l’observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, l’Olap, mais aussi des paramètres sur les annonces de SeLoger.
L’encadrement des loyers parisiens a permis de limiter la hausse à 4,2%
Aux dires de Stéphanie Jankel*** : « Entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2023, l’encadrement des loyers à Paris a permis de limiter la hausse des loyers de 4,2%. » Pendant cette période le prix moyen d’un loyer parisien était de 1 469€/mois selon les données des annonces publiées sur SeLoger. Cependant, sans le dispositif d’encadrement des loyers, les chercheurs l’évaluent à 1 533€/mois. Conclusion positive, une dépense épargnée de -64€/mois, soit 768€ sur 1 an pour un loyer moyen selon l’ensemble des annonces examinées du studio au T5. L’effet impacte plus fortement les petites surfaces que les grandes.
PRIX MOYEN MENSUEL HORS CHARGES D’UN LOYER À PARIS
AU 1er JANVIER 2023
Au cours de l’année 2022, les loyers du parc locatif privé ont augmenté en moyenne de +2,5 % à Paris.
© Anne-Marie HALBARDIER – Source : OLAP
Pour les chercheurs, l’effet de l’encadrement des loyers aurait été bien plus fort à -8,2% si l’ensemble des bailleurs avaient appliqué le dispositif prévu par la loi.
Comment vérifier si le montant de mon loyer respecte la loi ?
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2023 vous pouvez vérifier et signaler tout dépassement de loyer via le site internet de la Ville de Paris. Mais alors, en tant que locataire, comment vérifier si le montant de mon loyer respecte l’encadrement ?
Pour contrôler celui-ci, il y a 2 étapes essentielles à accomplir, vous devez :
- Premièrement, aller sur le site “Encadrement des loyers” mis en place par la mairie de Paris,
- Deuxièmement, si besoin signaler le dépassement de loyer sur le site.
… pour cela, cliquez ici et laissez-vous guider.
Ensuite, la Ville étudie la véracité de votre demande et confirme le dépassement. Conséquence, le propriétaire-bailleur est mis en demeure par la Ville de Paris afin qu’il se mette en conformité avec la loi. Donc, elle lui demande de vous reverser les montants de loyers trop-perçus. Après cela, sans réaction du propriétaire, la Ville de Paris le sanctionne d’une amende.
RÉCAPITULATIF DES ETAPES…
Les différentes étapes pour vérifier la conformité de votre loyer.
© Anne-Marie HALBARDIER – Source : OLAP
Par exemple, depuis début 2023 ont été enregistrés sur la plateforme :
- + de 2 000 signalements,
- 80% des cas concernent les studios et les 2 pièces,
- 490 mises en demeure,
- 104 remboursements de trop-perçus d’un montant moyen de 2 313€.
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Vous pouvez lire aussi notre article déjà publié “PARIS Encadrement des loyers”
À Paris, sans le dispositif d’encadrement des loyers, la hausse aurait été de 75% en 20 ans
Tout d’abord, Martin Regnaud**** vous explique comment il en arrive à ce chiffre de 75% : « On a pris un groupe de 8 grandes villes : Nantes, Strasbourg, Grenoble, Toulouse, Marseille, Aix-en-Provence, Toulon, Nice… où l’évolution des loyers suit celle de Paris, mais où il n’y a pas d’encadrement des loyers. Après cela, on y a appliqué leur tendance à Paris. Il fallait que ce soit des villes situées en zone tendue avec un indice de référence des loyers (IRL (2)) et qui ne sont pas influencées par Paris. Tout cela permet de gommer les effets de l’inflation, de la hausse des taux… et de ne mesurer que l’effet de l’encadrement. »
MONTANT D’un LOYER MOYEN EN €/m2
POUR UN 2 PIÈCES NON MEUBLÉS À PARIS
AU 1er JANVIER 2023
© Anne-Marie HALBARDIER – Source : Modèle MELodEM selon méthodologie validée par la Cnis (Avis du 27 mars 2013 renouvelé le 28 février 2020)
Le dispositif d’encadrement des loyers à Paris devrait être maintenu jusqu’en novembre 2026. Néanmoins, au vu du résultat positif de l’étude, le procédé va certainement perdurer dans le temps. « C’est un gain de pouvoir d’achat majeur qui encourage à poursuivre cette mesure. », déclare l’adjoint au logement.
« Les résultats montrent que le dispositif fonctionne »
De plus, Barbara Gomes ajoute : « On est très contents car les résultats montrent que le dispositif fonctionne. » Surtout, « c’est une mesure de protection des locataires. Parce que, si on laissait faire, les loyers continueraient d’augmenter et feraient sortir les habitants de notre ville. » Car, elle se base tout particulièrement sur les chiffes de l’Olap qui met en avant une augmentation des loyers de +75% en 20 ans et +2,5% pour 2022.
Continuer et aller plus loin… dans l’encadrement des loyers
Les résultats de l’étude ont aussi mis en avant le pourcentage élevé d’annonces locatives en infraction et qui ne respectent pas le loyer maximum autorisé par la Loi. Ainsi pour 2022-2023 on en dénombre 38%, soit un peu moins de 4 sur 10. C’est mieux, car en comparaison en 2019-2020, elles étaient 44,7%. « On voit bien que l’encadrement des loyers limite la hausse des prix. Lorsqu’il n’y en a pas, les dépassements repartent. C’est ce qui avait été constaté en 2017-2018, quand la mesure avait été annulée. », nous rappelle David Rodrigues*****.
Vous pouvez retrouver ponctuellement la liste du juriste concernant les plateformes publiant les annonces dont l’encadrement des loyers n’est pas respecté.
Les biens locatifs les plus concernés sont pour :
- 48%, les meublés,
- 29%, les non-meublés.
Concernant les superficies :
- Les studios et les petites surfaces
Pour la géolocalisation, les biens situés dans :
- Le centre de Paris,
- Les VIIIe, VIe et XVIe
Quelques points de vue des professionnels sur l’encadrement des loyers
De même, le directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue approuve le dispositif d’encadrement des loyers qui « limite les loyers abusifs et permet de faire plusieurs centaines d’euros d’économie par an aux locataires parisiens. » De plus, selon lui « C’est pas mal pour une mesure qui ne coûte quasiment rien ! »
Mais finalement, « L’impact reste modéré. Il faudrait donc aller plus loin. » Pour cela, il faudrait « Diminuer le pourcentage de majoration des loyers autorisé − actuellement 20% − ou intégrer la grille des loyers de référence aux logiciels des différents intervenants comme les agences immobilières, la CAF… afin que les biens en dépassement ne puissent pas être loués. », conclut-il.
Comme Manuel Domergue, Arnaud Hacquart, créateur d’un site de vente de gestion locative, Imodirect, est plus que favorable au dispositif d’encadrement des loyers. « Les locataires ont accès à des loyers raisonnables et les acheteurs peuvent connaitre à l’avance la rentabilité de leur bien, ce qui permet de mieux négocier lors de la vente. » Conclusion, pour lui, 2 atouts en 1.
Un manque d’offres locatives sur le marché immobilier parisien
Contrairement aux 2 autres professionnels cités ci-dessus, Frédéric Pelissolo****** est plus pessimiste et ne voit pas d’un bon œil le dispositif de l’encadrement des loyers. « Cette mesure fabrique la pénurie d’offre locative. », déclare-t-il.
Surtout, « Il y a très peu de gens qui investissent à Paris car l’encadrement des loyers ne rend pas la démarche intéressante financièrement. » De plus, « il faut compter sur la crainte du DPE, car un mauvais classement E, F ou G vous range dans les passoires thermiques, et là, il vous est interdit de louer votre bien (Loi Climat de 2021) tandis que sa vente sera peut-être bientôt réglementée. En outre, « En baissant les loyers, on paupérise les bailleurs et ils disparaissent, ce qui diminue par conséquent l’offre. » Néanmoins, selon lui, « Pour favoriser la baisse des loyers, il faudrait qu’il y ait beaucoup d’offres et finalement favoriser la location… C’est tout le contraire que l’on fait actuellement. »
Lors d’une vente, un mauvais classement DPE fait malheureusement fortement chuter la valeur du bien et par conséquent le prix.
Les logements les plus impactés par un mauvais DPE sont principalement les petites superficies, soit les -40m2. Afin de palier au problème, l’État a modifié une nouvelle fois le calcul du DPE.
L’adjoint au logement de la mairie de Paris réfute ce résonnement. « L’offre locative s’est écroulée bien avant la mise en place de l’encadrement des loyers, donc il n’y a pas de causalité. Parce que le problème vient plutôt des résidences secondaires qui se développent. Donc, en les régulant, cela permettrait de libérer 100 000 logements. », analyse-t-il. Surtout, Paris perd régulièrement chaque année des habitants. De même, « Il faudrait également multiplier par 2 les aides de l’Anah (3) pour rénover les logements classés F et G afin de contrebalancer les effets de la loi Climat. »
PAROLE D’EXPERT
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- Apur : Atelier parisien d’urbanisme.
- IRL : Indice publié par l’INSEE qui encadre l’évolution d’un loyer d’une année sur l’autre.
- Anah : Agence national de l’habitat.
* Jacques Baudrier : Adjoint PCF au logement à la mairie de Paris.
** Barbara Gomes : Conseillère déléguée PCF en charge du dossier.
*** Stéphanie Jankel : Chargée d’étude à l’Apur.
**** Martin Regnaud : Doctorant au Casaer et data scientist chez SeLoger.
***** David Rodrigues : Juriste à l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV).
****** Frédéric Pelissolo : Conseiller du président de l’Union national des propriétaires immobiliers (UNPI), en charge du dossier de l’encadrement des loyers.